JOHN CORNU

SEPTEMBER 7 - OCTOBER 27, 2012

Infos

Choses tues

EN

Whereof one cannot speak, thereof one must be silent.
Ludwig Wittgenstein

On the occasion of his new space opening, Sébastien Ricou is pleased to present “Choses tues”, John Cornu’s second solo exhibition at the gallery.

As eclectic as they are, the works on show – watercolours, installations, sound pieces, ready-mades – develop a range of interpretative games, a plurality of real and intelligible trajectories. Each proposition, like the whole exhibition, begins with a weaving together of significations – in other words, with a tension between clearly established intentions and a more obscure, harder to grasp aspect, the artist marking out “the contours of a manipulated reality where what is presented to us never quite corresponds with what we think we are seeing1”. This attitude, which characterises John Cornu’s working method, involves what is there in front our eyes – here and now – just as much as a multitude of unspoken things, shortcuts and parallel paths.
With its polysemic title borrowed from Paul Valéry, “Choses tues” reminds us of unconscious, suppressed memories, as well as resistant forms: what Georges Bataille called ‘the cursed part’. However, just discernible on the surface, a sort of Ariadne’s thread joins modernist codes borrowed from a certain radicalism to a dose of romanticism, with all that this carries with it in the way of violence, ruin and destruction.

“Untitled”, shown in the first room, is made up of a collection of twelve vertical pieces of polished and blackened wood attached to the wall at regular intervals, as if they formed a single, united plane, or even a single, united picture. Victims of a poetic fire, each of the vertical pieces seems to have been carbonised, eaten away by flames. And yet, in fact, it is merely the simulacrum of an auto-da-fé – these “object-paintings” are, in essence, representations made of carved wood, paint and wax. Opposite these, and continuing the same pictorial note, the artist deploys a strange, penetrable forest made up of fifteen or so Acrow props. Moreover, using the verticality of the exhibition space, this installation divulges the clues to its creation; in other words all the manipulations, the carrying, the arrangements and acts of tightening carried out by the artist during the installation: a veritable pictorial genealogy frozen in the black paint of the galvanised surfaces of the props. This desire to present a memory, to place the clue-laden evidence right before us is also to be found in the rectangular slab of worn and dirty wood, displayed on a white plinth in the second space. Ready-made is quite simply a butcher’s block with which a man practised his profession for 50 years. Entitled “La mort dans l’âme” [Death in spirit], this piece – a vanitas as palpable as it is ghostly – presents us, simply and directly, with the marks and stigmata of the blows of every knife blade it has been subjected to. Another form of homage can be seen with the series “Réserves”, which displays a strong symbolic purpose. This modern, kinetic and minimal work, which sets out several thousand irregular white dots (obtained by means of a so-called ‘reserve’ gum) arranged in lines – consists of a repetition of contemporary aboriginal paintings. Except for one small detail: these watercolours are made with wine, reminding us that large numbers of subsistence aboriginal peoples are in the thrall of this culpable liquid. One could also point out a second form of purpose, a referential one this time, if one considers the relationship between this work and minimalist art, as well as with the work of Roman Opalka. This strong connection continues with the installation “Sonatine, Mélodie Mortelle” [Sonatina, Mortal Melody] on display in the basement. On show simultaneously at the MACRO Museum (Rome) and at the Parvis – Centre d’art (Tarbes), this work reveals the agony of a style of lighting used widely in art since the 1960s. It is impossible not to think of Dan Flavin’s light installations, whose fluorescent tubes are not immune from wearing out.

It would be possible to say a great deal more about the works on display, to loudly proclaim the multiplicity of their possible interpretations. But in so doing, we would be going against the artist’s desire not to lock in the meaning of his works, to always “make experience available” to the visitor in order that he or she be more an actor that a mere onlooker. “In essence, I prefer uncertainty to a work that is too explicit. I always attempt an improbable transference with an imagined visitor or with a horizon of expectation (to borrow H. R. Jauss’ expression) 2”, wrote John Cornu, in an interview with Daria de Beauvais.
Let us suppose, then, that the final piece in the exhibition, “Par la meurtrière” [Through the arrow slit], will not have escaped this logic and that it will be up to each of us to question ourselves on what we see…

_
1 Christian Alandete, « Tant que les heures passent », in art press n° 364, February 2010.
2 John Cornu & Daria de Beauvais, « Uncertainly principle », in John Cornu, Monograph, Ed. Analogues, Arles, 2012.

FR

Ce dont on ne sait parler, il faut savoir le taire.
Ludwig Wittgenstein

À l’occasion de l’ouverture de son nouvel espace, Sébastien Ricou est heureux de présenter « Choses tues », la seconde exposition personnelle de John Cornu à la galerie.

Les œuvres présentées, aussi éclectiques soient elles – aquarelles, installations, pièces sonores, ready-mades – développent une gamme de jeux interprétatifs, une pluralité de trajectoires sensibles et intelligibles. Chaque proposition, comme l’exposition dans son ensemble, procède en effet d’un tressage de significations, c’est-à-dire d’une tension entre des intentions clairement établies et une part plus obscure, moins saisissable ; l’artiste traçant les contours d’une réalité manipulée où ce qui est donné à voir ne correspond jamais tout à fait à ce que l’on pense regarder.1 Cette attitude, qui caractérise la pratique de John Cornu, implique autant ce qu’il y a là sous nos yeux – ici et maintenant – qu’une multitude de non-dits, de chemins de traverse, de contre-allées.
Avec son titre polysémique emprunté à Paul Valéry, « Choses tues » renvoie donc aux inconsciences, aux mémoires enfouies, ainsi qu’aux formes résistantes : ce que Georges Bataille appelait la part maudite. Un fil d’Ariane se dessine toutefois en creux, entre des codes modernistes emprunts d’une certaine radicalité et une dose de romantisme avec tout ce qu’il comporte de violence, de ruines et de destructions.

Présentée dans la première salle, « Sans titre » se compose d’un ensemble de douze verticales de bois poli et noirci accrochées au mur à intervalles réguliers comme si elles formaient un seul et même plan, pour ne pas dire un seul et même tableau. Victimes d’un incendie poétique, chacune des verticales semble avoir été carbonisée, érodée par les flammes. Pourtant, il ne s’agit là que d’un simulacre d’autodafé, ces «objets peintures» se résumant à des représentations faites de bois sculptés, de peinture et de cire. En vis-à-vis, toujours dans un registre pictural, l’artiste déploie une étrange forêt pénétrable constituée d’une quinzaine d’étais de maçon. Utilisant la verticalité du lieu d’exposition, cette installation divulgue en outre les indices de sa mise en œuvre, soit l’ensemble des manipulations, des portés, des déploiements et des gestes de serrage opérés par l’artiste lors du montage ; une véritable généalogie picturale figée à la peinture noire sur les surfaces galvanisées des étais. Cette volonté de présenter une mémoire, de mettre au devant une charge indicielle se retrouve également dans le pavé rectangulaire de bois noirci et érodé, exposé sur socle blanc dans le second espace. Ready-made, ce dernier n’est autre qu’un billot de boucher sur lequel un homme exerça sa profession durant 50 ans. Vanité aussi palpable que fantomatique, cette pièce nommée « La mort dans l’âme » donne à voir, simplement et directement, les traces et les stigmates des coups de lames qu’elle a reçus. Autre forme d’hommage encore avec la série des « Réserves » qui présente une forte détermination symbolique. Ce travail moderne, cinétique et minimal – qui propose quelques milliers de points blancs irréguliers (obtenu au moyen d’une gomme dite de réserve) rangés en lignes – consiste en une redite de peintures aborigènes contemporaines. À un détail près toutefois puisqu’il s’agit ici d’aquarelles au vin, et qu’il ne nous est pas inconnu que les populations aborigènes subsistantes sont pour beaucoup sous l’emprise de ce liquide coupable. On pourrait souligner aussi une seconde forme de détermination, cette fois référentielle, si l’on considère la relation qu’entretient ce travail à l’art minimal ainsi qu’à la pratique d’un Roman Opalka. Rapport de filiation toujours avec l’installation « Sonatine, Mélodie Mortelle » montrée au sous-sol. Exposée parallèlement au Musée MACRO (Rome) et au Parvis – Centre d’art (Tarbes), cette œuvre révèle l’agonie d’un dispositif lumineux largement utilisé en art depuis les années 1960. Comment ne pas penser ici aux installations de Dan Flavin dont les tubes aussi ne sont pas exempts d’obsolescence ?

Il serait possible de dire bien des choses encore sur les œuvres présentées, d’énoncer tout haut le feuilleté de leurs interprétations. Mais ce faisant, nous irions contre cette volonté de l’artiste de ne point verrouiller le sens de ses pièces, de toujours «rendre l’expérience disponible » au visiteur afin que celui-ci soit plus acteur que simple spectateur. Je préfère en effet l’incertitude qu’une œuvre trop explicite. Je tente toujours un transfert improbable avec un visiteur imaginé ou avec un horizon d’attente (pour reprendre l’expression de H.R. Jauss) 2, écrit John Cornu dans un entretien avec Daria de Beauvais.
Gageons donc que la dernière pièce de l’exposition, « Par la meurtrière », n’échappera pas à cette logique et qu’il reviendra à chacun de s’interroger sur ce qu’il voit…

_
1 Christian Alandete, « Tant que les heures passent », in art press n° 364, février 2010.
2 John Cornu & Daria de Beauvais, « Principe de réalités », in John Cornu, catalogue monographique, Ed. Analogues, Arles, 2012.

Press release

download[PDF]

Press review

- Le Vif/L’Express week-end - 2012 – Michel Verlinden [JPEG]

Views

pic
Sans titre (verticales), 2012
Wood, black ink and polish
240 x 240 x 4,4 cm

pic
Sans titre (verticales), 2012
Wood, black ink and polish
240 x 240 x 4,4 cm

pic
Sans titre (verticales), 2012
Wood, black ink and polish
240 x 240 x 4,4 cm

pic
Sans titre (verticales), 2012
Wood, black ink and polish
240 x 240 x 4,4 cm

pic
Sans titre (verticales), 2012
Wood, black ink and polish
240 x 240 x 4,4 cm

pic
Exhibition’s view

pic
La mort dans l’âme, 2012
Butcher’s block, black paint and polish
60 x 70 x 17 cm

pic
Exhibition’s view

pic
Réserves, 2009
Watercolors made with red wine mounted on aluminium,
white wooden frames
94 x 124 cm chq./ each

pic
Par la meurtrière, 2011
Anthracite gray inner frame, mirror, dark wooden frame
60 x 80 cm

pic
Sonatine (Mélodie Mortelle), 2008-2012
Altered fluorescent tube, microphone and Marshall amplifier
Variables dimensions